La Route

Très impressionnant ce que Larcenet a réussi à rendre comme ambiance sur une histoire de survie post apocalyptique avec un père et son fils.
Les 2 premières pages sont déroutantes, uniquement des gribouillis de nuages noirs, on ne sait pas trop ce que cela évoque, ce qu'il faut en comprendre. Mais cela pose le décor. Arrivent ces deux pauvres hères en guenilles, poussant un caddie, avançant le long d'une route où tout ce qui les entoure est en ruine. Le nuage en est bien un, de cendres, et il obscurcit tout. Sur le chemin : Bâtiments délabrés, voitures retournées, immeubles écroulés, et un peu partout des corps décharnés ou brûlés.
L'ensemble est étouffant, oppressant, accentué par ce dessin quasiment en noir et blanc, au crayonné, avec beaucoup d'ombres. On ne voit presque jamais la lumière d'un jour dégagé, les personnages évoluent dans la pénombre qui cache on ne sait quelle rencontre ou mystère.
C'est de la survie pure et dure, quelques gouttes d'essence pour un rare éclairage, l'espoir d'un supermarché en ruine déjà mille fois visité, la fouille de tous les débris avec parfois un miracle en conserve. Et surtout cette angoisse de l'inconnu, ces groupes qui arpentent les routes en pillant et ne laissant derrière eux que des restes humains rongés jusqu'à l'os.
A travers cela se joue toute l'éducation d'un enfant impressionnable, par un père endurci et forcément protecteur, un apprentissage de la vie à la rude mais avec compassion et compréhension. Comment rassurer un enfant dans un monde où il ne reste rien, comment le préparer à la réalité et à l'avenir, et surtout quel espoir lui donner face à la dure cruauté de la vie.
Les dessins sont magnifiques, surtout par l'ambiance qu'ils portent, la cendre, la pluie, la nuit, la neige, le froid, tout le temps le froid. Les horreurs sont parfois clairement détaillées, mais souvent suggérées dans l'ombre, et il n'est pas un endroit sans son décor morbide, un totem avec un crane de chien, des souterrains emplis d'êtres décharnés partiellement dévorés, des sculptures de morceaux de corps. Que des endroits inquiétants.
On partage la souffrance du père, malade, bien conscient de sa prochaine échéance, qui doit garder courage et montrer tête haut pour le moral de cet enfant étique, dont l'équilibre mental ne tient qu'au choix de ses bons mots rassurants :
"Nous sommes les gentils, et cela ira mieux dans le sud" - "Alors d'accord".
La route est une magnifique aventure paternelle, qui se lit autant qu'elle se regarde, avec angoisse et compassion. Ce qui est sûr c'est qu'elle ne vous laissera pas indifférent.